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Le blog du G. P. S.

Le blog du G. P. S.

Depuis décembre 2008 à Toulouse, le GPS (Groupement Pour la défense du travail Social) se bat contre les atteintes portées aux personnes accompagnées du secteur social. Pour ce faire de multiples actions ont été menées en faveur du droit de ces personnes.


13) Rapport d'activité 2010 "Goutte de vies" - Annexe 5

Publié par G. P. S. sur 5 Septembre 2011, 06:00am

Catégories : #Rapports d'activité Goutte de Vies

ANNEXE 5

 

Accompagner des personnes en situation de vulnérabilité

dans leur propre choix de vie

 

Autour de deux entités, « aller vers » des personnes fragiles, en situation de grande précarité sur la rue et continuer à « soigner la vie », notion exprimée sur le service de soins palliatifs, nous constatons que, même si les pratiques ne sont pas superposables, les problématiques autour des difficultés rencontrées sont les mêmes. Nos réflexions se rejoignent, des enjeux se dessinent, une gestion autour d'aménagements se définit. Nous allons essayer de vous parler de quelques principes simples.

 

Cette personne, qui vient, un jour, dans le service de soins où vous travaillez, est semblable aux autres patients. Elle va vivre en ce lieu une période faite de crainte, d’interrogations, d’abandons, de confiance et peut-être de souffrance et de choix douloureux.

 

Pourtant, rapidement ou plus insidieusement, des attitudes, des remarques, des comportements non conventionnels surprendront l’accompagnant que vous êtes. A delà des rapports soignant/soigné habituels, vous allez devoir composer. La femme, l’homme qui vient sur ce lieu, d’hospitalisation, d’urgence ou de simple abri d’hébergement, aura vécu, avant que vous ne le rencontriez, un parcours de précarité sociale, fait de pauvreté et d’isolement. « Sans domicile fixe », sur des durées plus ou moins importantes, pour des raisons que nous allons essayer d’aborder, ces personnes  peuvent connaitre une « précarité exacerbée, susceptible d’entrainer une perte de confiance en l’autre, en soi même, en l’avenir qui devient menaçant, catastrophique ou même qui disparaît » (*Jean Furtos. Les effets cliniques de la souffrance psychosociale).

 

Les difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux, par les soignants, devant cette grande souffrance, sont remarquables. Chaque intervenant insiste sur le fait de devoir improviser, d’être trop souvent seul, peu informé, éloigné de tout point de référence.

 

 

 

 

 

Plan du document.

Ce patient nous allons essayer de le connaitre mieux.

 

De quoi sont faits ses errances, ses aménagements de vies, ses manques ? Nous même, en tant que soignant, à partir d’informations plus étayées concernant ces personnes, que devons nous modifier de nos propres habitudes d’accueil ? Essayons de comprendre ce qui s’exprime au travers d’attitudes non conventionnelles.

 

De façon plus générale, nous décrirons aussi les composantes épidémiologiques connues, influant sur la santé de cette population fragilisée. Sur ce chapitre il nous faut pointer des remarques en lien avec la psychiatrie.

 

Les questionnements éthiques, philosophiques et politiques, qui se posent à notre société, autour d’exigence, de devoir d’intégration, de capacité de vivre ensemble, seront ensuite abordés.

 

Après ces approches multiples, nous essaierons de comprendre quelle doit être notre attitude, en pratique. Quelles stratégies communes peuvent être mises en forme pour répondre au mieux à l’accueil de ces personnes, sans domicile, sans repère, en souffrance, souvent en révolte et en rejet du milieu médical, … mais qui ont besoin de soins.

 

 

I - Cet étrange patient.

 

Un état de rupture

 

Un élément fort, central, accompagne la quasi-totalité de ces parcours, il fait référence à une notion de rupture.

 

 Celle-ci, choisie ou pas, parfois très ancienne, est toujours le fait d’évènements forts, intervenus dans la vie de la personne.

Ce peut être aussi, plus ou moins, une indépendance recherchée, un choix de vie en marge d’une société.

D’autres personnes n’auront connu que la difficulté à «pouvoir... et ne pas savoir», s’adapter, du fait d’un handicap, physique ou psychique ou social.

 

A partir d’exemples, présentons quelques causes possibles, à l’origine de ruptures. Ces dernières vont contribuer à isoler des individus, à les mettre en situation de risque et de déshumanisation.

 

- Cet homme, encore jeune, a-t-il fait un pari de vie qui ne collait pas aux projets fantasmatiques de parents ? Est-il en recherche de ce qu’il voudrait être? Perdu, en errance depuis trop longtemps, il survit au jour le jour, de presque rien et d’alcool.

 

- Déjà âgé, cet ancien ouvrier agricole à toujours vécu sur une ferme, lieu clos assurant gîte, couvert, travail sur un point fixe, pendant plusieurs décennies. Depuis sa retraite, non préparée, insuffisante matériellement, il erre, sans endroit où se poser, incapable de se situer dans la cité, de se repérer. Après des années de déplacements sur la ville, sa situation empire, il est dans l’incapacité de changer radicalement de mode de vie, d’accepter un accompagnement formel, un soin régulier. Son état clinique catastrophique nous inquiète; lui semble s’en accommoder. Il reste dans la dénégation de son mal.

 

- Souvent, l’alcool va accompagner le quotidien. Parfois déjà présent au moment d’une séparation, il peut en avoir été un des facteurs déterminant. Rupture sentimentale, désordre psychologique vont accentuer les incapacités à pouvoir conserver des stratégies de vie. Il va falloir aménager. «L’alcool entraine des déficits qui peuvent, dans un premier temps, passer inaperçus, tant le contraste est grand entre un verbe encore très fluide et les capacités effectives d’actions, de remémoration, de représentations dans l’espace. Nous pouvons avoir l’impression qu’un homme est encore capable d’agir, d’avoir et de suivre une logique, d’entreprendre une démarche sociale, alors que son seuil de compétence est bien plus faible qu’il ne paraît» (*Sylvie Quesemand Zucca, « Je vous salis ma rue »).

 

- La perte d’emploi, des difficultés économiques, l’impossibilité de pouvoir conserver un logement, sont autant de facteurs déclencheurs d’exclusion, de ruptures sociales, de difficultés d’accès aux soins de plus en plus importantes, (*observatoire MDM).

 

- Les conditions de vie des personnes « sans papiers », en perte de repères culturels, ayant traversés des épisodes de vie extrêmement durs, ne laissent aucun répit, aucun moment de repos, aucune possibilité de reconstruire. De plus, ces migrants sont sans cesse inquiétés sur leur quotidien. Insidieusement, la rue peut entrainer cet homme, cette femme, vers une errance, une souffrance psychique.

 

- Cette dame, très indépendante, habite sur un département rural proche de Toulouse, dans une nature qu’elle aime, dans un confort sommaire. Elle est en rupture avec une forme de mode de vie, depuis toujours elle a fait des choix. Régulièrement elle vient sur la ville où elle vit à la rue et/ou sur des foyers d’urgence. L’âge avancé et une pathologie grave vont la rendre dépendante. Son accueil sur le lieu de soin va occasionner des aménagements.

 

- Cette rupture peut être encore plus radicale. A cause d’un état de santé mentale déficient, les difficultés de communication peuvent être telles, que l’on reste impuissant dans l’échange. C’est le cas de cette patiente, psychotique, qui dresse un barrage quasiment infranchissable autour d’elle. La seule position que nous pouvons tenir, c’est « d’être là… en détection de signes d’alarme ».

Ces ruptures nous allons les retrouver, tout au long de parcours chaotiques; ruptures successives avec le soin, avec l’accompagnement social, avec le lieu de référence. Elles vont contribuer à amplifier les difficultés d’accès. 

 

Image modifiée autour de l'incurie.

 

Une des particularités de la vie dehors est l’exposition au regard des autres et son corollaire est la honte, l’humiliation. Jean Furtos, parle de vergogne: « la vergogne renvoie à un sentiment éthique pénible pour le sujet, lorsqu’il ne respecte pas les valeurs du groupe auxquelles il adhère: il a honte de lui-même à ses yeux et à ceux d’autrui. La disparition de cette honte/vergogne permet de comprendre pourquoi un certain nombre de personnes n’ont plus honte de la déchéance affichée, de leur vie, de leur corps, en particulier en cas d’incurie».

 

Cette image modifiée autour de l’incurie est à l’origine de la dénégation d’une maladie, et facteur de son évolution. Il peut y avoir refus de soin. Pourtant un état clinique étonnant est montré.

Cela contribue à:«...la dynamique du syndrome d’auto exclusion. Le sujet passe d’une logique de vie, soumise au principe de réalité, à une logique de survie, qui consiste à sortir du principe de réalité».

 

On assiste a: «une dés-habitation de soi; à une anesthésie ou hypoesthésie corporelle; à une diminution de relation affective ou au contraire à une hypomanie (excitabilité permanente), à une inhibition intellectuelle (mise hors circuit de l’intelligence sur le plan verbal et pragmatique, et non trouble de la pensée)» *Jean Furtos.

 

L’image dépressive des gens de la rue est une réalité.

 

Une carence affective forte accompagne cet état. L’impact de la violence journalière exprimée à la rue, sera une pression d’autant plus forte sur cette population fragilisée. Comment se protéger lorsque l’on n’a pas la possibilité d’habiter un chez soi, lorsque l’on est sans arrêt exposé. Cette vie est faite de traumatismes physiques, de luttes contre le froid, la faim. C’est aussi une quête menée, toujours nécessaire, pour un abri, un lieu ressource, un simple duvet. Autre violence, l’accès aux soins va être retardé. Comment s’étonner de données épidémiologiques catastrophiques que nos allons détailler plus loin, indicateurs de morbidité et de mortalité modifiés.

 

Notion de perte de repère.

 

Lorsque la maladie survient, nous l’avons vu, souvent il va y avoir de la part de ce patient une minimisation autour d'un facteur de gravité, d’une évolution négative: une dénégation. Mais si la nécessité de procéder à une hospitalisation s’impose, c’est toute une suite d'habitudes, un cadre de vie formaté qui disparait. Des rîtes, des choix forts, des préférences induites par le souci constant de devoir se protéger, de s’économiser, de ne faire que peu de concessions, (en fait tout ce qui marque ces parcours de vie), va devoir s’effacer. Aux souffrances physiques et psychiques propres à la maladie, va s’ajouter une totale perte de repère. Craintes, méfiances, repli sur soi, sont des réactions bien normales de la part de ces personnes habituées à aménager, à la marge leur quotidien. Il ne faudra pas avoir de jugement de valeur négatif par rapport à un abord « bourru » constaté.

 

Note: Si l’on prend soin, sur la durée, de cette personne, sur un lieu de partage et de soin, celle-ci va mieux s’occuper d’elle (cf. séjours sur la Halte Santé).

Note: dans la rue, sur la durée, une femme va avoir tendance à se masculiniser; un autre cadre va permettre le retour à des aspirations oubliées.

 

Certainesréactions peuvent rester négatives: aucune demande ne sera formulée; plus l’aide va être proposée avec passion, plus la personne va aller mal; (ressenti négatif de soi même par rapport à la personne aidante  ou mise à distance, de la personne « référente » au moment des faits, après un sentiment d’échec).

 

Pour autant, même après ces contacts  difficiles, on ne doit par parler d’échec. Il y a sur ces parcours de vie des périodes de rémission à la souffrance: (période pendant laquelle une vie un peu plus communautaire s’installe, période ou des conditions possibles de changement, même limités en temps, se présentent). Sur un lieu de soin, ce phénomène existe.

 

Au cours d’un séjour, à partir de relation affective exprimée, de la part du patient, des plaisirs sont partagés, une mise à distance d’un réel enfermant est réalisée, pendant cette durée. Sur ces périodes la répétition de cycles qui ne ramènent à rien, des violences contre soi, des comportements addictifs, vont pouvoir diminuer, marquer une pause.

 

II - Composantes épidémiologiques

 

Problématique de santé :

 

Vieillissement précoce; composante psychiatrique (carences affectives, errances pathologiques, démences, psychopathies avérées, dépendances à l’alcool), traumatismes (souvent dus à la violence de la rue).

-Pour les personnes décédées, connaitre les circonstances, les pathologies médicales.

 

 

 

La psychiatrie

 

La composante psychiatrique est très présente dans la population constituée de personnes sans abri.

 

« De nombreuses situation dépendent de soins ou d'accompagnements psychiatriques:  pathologies psychiatriques sévères(schizophrénie, troubles bipolaires, co-morbidité de troubles psychiatriques sévères et addiction,dépression et troubles obsessionnels compulsifs); (environ 40 % de  cette population est concernée) » (*programme : « Un chez soi d'abord »).

 

Constats : des décompensations faisant suite à des ruptures de suivis sont souvent observées. Même si des manques dans la continuité de prise en charge se retrouvent aussi dans d'autres disciplines, comme le suivi de personnes âgées isolées, des améliorations importantes autour du maintien de la continuité de soins psychiatriques paraissent d'évidence nécessaires. Des réalisations innovantes sont en cours de réalisation. Il nous parait important de pouvoir participer à une meilleure coordination des réseaux et à un espace de coordination plus efficient entre ceux ci : personnes âgées, suivis palliatifs, précarité et psychiatrie. La loi Hôpital Patient Santé Territoire devrait y contribuer.

 

Note: dans la rue, il faut faire attention à la catégorisation : la souffrance est totale. La maladie psychiatrique fait un tout avec cette souffrance. Quelle est l'origine exacte de la souffrance psychiatrique ? Sur la rue, où commence la psychiatrie? Les conditions de vie, les ruptures successives, les moyens employés pour survivre, les violences, concourent au désordre psychique.

 

III - Questionnements: éthique/philosophique/politique

 

Prendre soin.

 

Le projet, autour d’une démarche palliative d’accompagnement doit dépasser le cadre d’un paradigme de soin uniquement axé sur la culture de la guérison. Dans tous les cas il faut rechercher des repères plus facilitants : comment va-t-on constituer, avec la personne un projet en fonction de ce qu’elle peut faire ? On continue les soins qui permettent de contrôler la maladie, mais en restant attentif aux symptômes; on ne réduit pas la personne à la maladie, mais l’on prend en compte les composantes spirituelles, culturelles, sociales, artistiques… autour de choix exprimés. Cette démarche d’accompagnement est indispensable. Le fait de prendre le malade en charge, c’est prendre soin de la personne et de sa maladie; c’est le « prendre soin ».

 

Humaniser.

 

Sur l’ensemble des rapports faits autour des analyses de cas, le mot humaniser est souvent employé.

Un des éléments de ce qui se passe dans la médecine moderne nous oblige à constater que celle-ci à conduit trop souvent à faire du patient un objet. Il faut créer les conditions pour refaire de la personne, l’élément sujet; ainsi on reviendra à la notion humaine : humaniser. Il faut reposer la question: comment je considère la personne humaine ? C’est une notion de complexité qui est mise en avant: «être riche de ce que l’on peut faire dans la relation à l’autre».

 

Dans cette citation de Paul Ricoeur*, «viser à la vie bonne avec et pour autrui, dans des institutions justes», trois champs sont concernés: exigence avec soi même; relation à l’autre, riche; respect des institutions qui pour autant peuvent être contestées.

 

Déroger.

 

Ces institutions doivent être justes; la loi est bonne, elle doit être respectée mais aussi pouvoir être transgressée; possibilité de devoir de désobéissance. Paul Ricoeur nous oblige à changer notre regard sur la notion de soin: si l’on s’en tient uniquement à ne pas pouvoir transgresser la loi, comment pouvoir laisser une liberté de choix, dans un possible, au malade. Devant un comportement morbide d’une personne, quand commence-t-on à intervenir? Comment ? Y a-t-il une action identique qui s’impose dans toutes les situations ? Il faut pouvoir tenir compte du terrain, du concept de vulnérabilité dans l’approche des plus fragiles.

 

De fait, pour ces patients, la limite entre soins curatifs et soins palliatifs n’est pas évidente, elle n’est plus fixe. Sur la rue, le risque est imminent. Il convient d’aménager d’autres alternatives, de parler d’une autre forme d’accompagnement, de redéfinir moyens et méthodes. (Chaque règle érigée sera mise à mal à un moment ou a un autre).

 

Comment déroger pour faciliter l'échange, pour libérer la parole ? Le fait de pouvoir « autoriser » peut et doit aider à constituer une avancée importante dans la compréhension et dans élaboration d'un suivi.

 

C’est pourquoi nous avons souhaité intituler notre travail d’atelier: « accompagner des personnes en situation de vulnérabilité dans leur propre choix de vie ».

 

La norme ne s'impose pas en toute circonstance.

 

Ainsi, il va nous falloir prendre en charge une personne et sa maladie avec des composantes qui nous sont inconnues : mode de vie à la marge, choix étranges, besoins impérieux d’alcool, rupture intempestive de soin, mise en danger. Autour de l’acte de soigner et des règles qui s’y attachent, la norme ne s’impose pas toujours. Devant un refus de soin, on en prend acte, on continue à s’occuper de la personne, dans le respect. Autour de ce refus il va falloir gérer une forme « d’inefficience ».

C’est pourquoi, il est parfois nécessaire de faire bouger les règles institutionnelle. Pour continuer à prendre soin, à être là, à préserver le lien. L’aménagement d’un cadre dérogatoire s’impose. La création de lieux d’accès au soin à bas seuil, adaptés à ces personnes est souhaité. La possibilité d’accueillir, dans les services hospitaliers, ces « étranges patients » rend obligatoire le fait de pouvoir composer avec la transgression.

 

L’institution ne doit pas s’abriter derrière la règle, la loi, pour s’empêcher d’aller plus loin.

 

Service public : un réflexe de solidarité.

 

Pour une société humaine, plus sure, plus digne, il ne faut pas laisser s'étendre les effets pervers de l'égoïsme, du non partage et de l'exclusion sociale. La prise en compte de ces obligations, vis-à-vis d’une population nombreuse, fragile, en état de manque, privée des biens les plus essentiels, relève d’une notion de service public. Celui ci doit posséder un fort potentiel médico-social, contrairement au secteur privé, très « médico-centré », où la dimension sociale est peu représentée.

 

La place particulière de structure comme l'hôpital Joseph Ducuing, lié au statut privé associatif, avec les mêmes contraintes que le service public, autorise aussi, non sans difficultés, des mises en place d'aménagements de prise en charge (AME, conventions,...).

 

« Puisqu'il nous faudra de toute façon mobiliser nos ressources et notre énergie pour affronter les conséquences d'une inégalité et d'une misère croissantes, il ne nous reste qu'à choisir si cette mobilisation servira à combattre puis à éliminer ces conséquences, ou bien seulement à nous protéger contre leur aggravation continue ». (*Jacques Généreux : ''Une raison d'espérer'').

 

IV - Pouvoir d’adaptations nécessaires du soignant; stratégies communes à développer.

 

Ce regard sur la notion de rupture, ces informations partagées sur la nature de l’exclusion, sur ce qui constitue les difficultés, les manques et les impossibilités de vivre, nous fait réagir. Nous faisons le constat que certaines des pratiques convoquées, des manières d’être vis-à-vis de personnes venant de la rue, fragilisées, souvent hospitalisées, sont les mêmes que celles proposées sur des séjours en soins palliatifs.

 

C’est la notion de prendre soin et la recherche du bien être de la personne qui sont essentielles.

 

Essayons de définir les pratiques communes à ces accompagnements. Il nous faut énoncer quelques attentions, simples, indispensables pour améliorer les séjours de ces malades. Pour ce faire, les remarques présentées sur les chapitres précédents vont nous aider, (nous allons les retrouver).

 

Sur l’accueil il faut pouvoir, en tant que soignant, s’écarter d’une représentation autour d’une catégorisation. Regarder la personne à partir de ce qu’elle représente de positif et non pas par ce qui apparait comme des manques. Il nous faudra adapter les conditions pour que la personne retenue sur un lieu de soin, très éloignée de son cadre de vie habituel, trouve sa place dans un échange.

 

Être non jugeant. Des réactions de refus pour non respect de la norme, auprès de personnes souvent dans un état de délabrement fort, dans le déni d’une maladie, habituées à aménager à la marge, vont entrainer des réactions de méfiance, une impossibilité de soins qui va être dommageable. L’occasion de pouvoir approcher ce patient, dans des conditions adaptées à des investigations de santé, risque de ne plus se reproduire. (Exemple du pré requis imposé à une personne ayant fait l’expérience de la rue, autour de l’impératif « toilette »; cela va créer un blocage. Cette nécessité autour de l’hygiène viendra naturellement se poser le lendemain).

 

Être dans l’écoute. Le risque existe de ne pas savoir écouter « cet autre », de ne pas percevoir sa souffrance si particulière. Il va falloir s’adapter aux présentations faites par cette personne et à son investissement modifié du temps et de l’espace. Parole prononcée par un patient, peu habitué à ce que l'on porte attention à ces dires : « c’est la première fois que l’on m’écoute ».

 

Savoir faire la part entre ce qui peut être aménagé et ce qui ne peut pas l’être. Entre ce qui constitue des habitudes de vie et ce qui concerne l’acte de soin. Il va falloir négocier et aménager autour du cadre. Une part symbolique d’habitudes de vie doit continuer à s’exprimer. (Exemple sur la Halte Santé, qui est un lieu d’accueil et de soin à bas seuil d’exigence : rapport au tabac et à l’alcool négociable, présence de chien admise, sorties possibles… Autre exemple: aménagements réalisés sur un service de soins palliatifs à partir de « choses négociées » avec le malade.

 

Notre présence doit être décalée du positionnement traditionnel du soignant. Il ne peut y avoir de toute puissance exprimée sur la maladie de l’autre. Il faut pouvoir travailler sur la représentation de ce que le malade pense bon pour lui. (Exemple: comment répondre lorsqu’il n’y a pas de consentement pour une aide vers l’accès au soin ? Comment ré envisager cette aide, le maintien d’un contact ? Au commencement de la rencontre, étonnante, nous ne sommes pas en situation d’user d’un savoir. On est surtout dans la sensibilité, le ressenti et même la réaction. Suivra ensuite l’élaboration des outils à construire. Ce que le patient pense bon pour lui, diffère de ce que le soignant pense bon pour ce patient. Tout cela va impliquer une gestion: autour du refus de soin, par exemple; gestion d’une certaine forme d’inefficacité, remise à plus tard d’une prise en charge et surtout le maintien et la préservation d’un lien.

 

Nous ne pouvons pas imposer nos envies, à un moment choisi par nous, à des personnes qui ne sont pas en mesure de pouvoir faire bouger leur situation à cette période de leur parcours. La notion de temps, de durée nécessaire à l’assimilation d’un possible changement est essentielle. Il faut préserver un contact, pouvoir dire : « vous avez la possibilité de changer d’avis, on reste à vos cotés, vous pouvez compter sur nous ». L’on prend acte d’un refus, on préserve la possibilité de s’occuper de la personne dans le respect. Nous ne ferons pas de projet à la place du soigné. Accompagner, c’est garder la possibilité que la personne puisse choisir entre des possibles, c’est garder la liberté de pouvoir modifier, de proposer d’autres stratégies, quitte à procéder par dérogation. Ne pas rester impuissant face à la norme sociétale qui est fausse (pas adaptée à la circonstance): « ne pas savoir quoi dire, ne pas savoir quoi faire ».

 

La qualité de la mise à disposition de temps auprès de ces patients touche parfois moins à la réalité qu’à la représentation que l’on se fait des tâches prioritaires. Il faut libérer des moments pour les prises en charge émotionnelles. Gérer  autour de l’émotion, libérer du temps pour favoriser des échanges personnalisés n’est pas chose évidente. Il est parfois plus facile de contourner cette difficulté en concentrant uniquement son action sur des activités factuelles au détriment de la prise en charge de « l’émotionnel' » si lourd, si difficilement supportable. Pourtant, la dimension affective dans l’accompagnement de ces séjours est importante, essentielle.

 

Biensur, la détection de signe d’alarme reste une priorité. Parce que des personnes fragiles, souvent en rupture de soins curatifs, présentent souvent un état clinique inquiétant. Il faut pouvoir intégrer ce risque dans une démarche d’ensemble, par un accompagnement adapté.

 

Exemple proposé à partir d'une situation de suivi :

 

Question : « En quoi Mr X n'est il pas autonome ? »

 

Réponse : « Ce Monsieur s'organise bien, il a de bonnes relations avec les personnes du quartier …, par contre l'état de ses pieds est vraiment impressionnant. Le rapport à la douleur, le rapport au corps qu'il donne à voir, étonnent. A 65 ans, une vie exclusivement passée dehors, représente une accumulation de risques. Le suivi actuel consiste à maintenir une veille ».

 

Afin de mener au mieux cette démarche, un travail mutuel, entre toutes les disciplines, est nécessaire: informations et compétences sont partagées. A partir d’un regard croisé sur ces parcours de ruptures, qu’est ce qui nous fait réagir ? Qu’est ce qui nous touche ? Le fait d'éprouver les mêmes difficultés doit nous faire réfléchir autour de notions communes à nos pratiques. De telles situations ne peuvent pas être gérées seul. Les contacts entre disciplines dans l’équipe doivent être libres, toujours activés. Il y aura moins de rapports à faire autour de la répartition des rôles (Exemple: travail d’équipe, pluridisciplinarité dans les services de soins palliatifs; dans les équipes de la veille sociale, de la Halte Santé : infirmiers, aides soignants, médecins, travailleurs sociaux, maitresse de maison, psychologues, bénévoles. La parole de chacun est écoutée, les décisions se prennent collectivement, il y a un décloisonnement des acteurs. Le travail de soin s'enrichit de la culture professionnelle et de l’approche personnelle de chacun avec le patient. Celui-ci est au centre du projet de soins. L’écoute et la relation d’aide sont privilégiées par tous les acteurs.

 

Un travail de médiation doit être mené autour de ces parcours souvent chaotiques: multiples consultations, nombre important de référents sollicités. Il est nécessaire de pouvoir préciser quels soins ont déjà été menés, par qui, dans quel services, quelles orientations sur le réseau ont été sollicitées. Il est important de préparer et de repérer nos partenaires, intervenants sociaux et médicaux, pour une meilleure connaissance de ces trajectoires. (Exemple: sur la ville de Toulouse, mise en réseau d’information par l’intermédiaire du réseau santé précarité (dossiers médicaux centralisés sur la Halte Santé); autre exemple, le réseau Relience (soins palliatifs).

 

A ce sujet, un travail de reconnaissance à été fait. Un recueil de données concernant l'existant en matière de lieux de soins est réalisé. Des rencontres avec des structures actives autour de  ces accompagnements se sont tenues ou bien sont en cours : les HAD, le réseau des soins palliatifs, la veille sociale, le réseau santé précarité... Il est important que chacune d'entre elles puisse mieux connaître le rôle et le fonctionnement des autres. Un de nos objectifs est de contribuer à améliorer l'inter activité de l'ensemble de ce réseau thérapeutique de territoire. Cette base d'information doit continuer à être alimentée en fonction des modifications et des aménagements à venir.

 

L’efficacité de notre activité auprès de ce public passe par ce partage de tâches et des informations. C’est aussi le seul moyen d’éviter un épuisement professionnel.

 

Dernier élément sur lequel il convient d’insister: il faut soutenir et préserver les liens sociaux, familiaux, amicaux. Il faut pouvoir aider une reprise de contact avec la famille, des proches, des amis, si un souhait est exprimé. Éventuellement nous pourrons faciliter cette demande. (exemple de liens constants, chaleureux, préservés sur un service de soins palliatifs, dans l'entourage d'une patiente. Des sorties ont pu être aménagées avec l'aide de bénévoles d'associations. L'équipe soignante à contribué à la possibilité de mise en place de préparatifs nécessaires afin de faciliter de tels aménagements.

 

Un savoir faire, une expérience vient de s'exprimer. Nous entrons dans une période où les plus vulnérables vont être confrontés à encore plus de difficultés. C'est un acte d'engagement fort qui doit être mis en place dans cette période ou l'individualisme domine, où les exclusions sont légions : personnes âgées, handicapés, « SDF », personnes en fin de vie.

 

***

Citations :

*Jean Furtos: psychiatre des hôpitaux, directeur scientifique de l'Observatoire National des Pratiques en Santé Mentale (Onsmp-Orspere)

*Paul Ricoeur, '' Soi même comme un autre'' 1990

*Sylvie Quesemand Zucca, psychiatre et psychanalyste; ‘’je vous salis ma rue''2006

*observatoire 2009 Médecins Du Monde

*Jacques Généreux, professeur à l'institut d'études sociales, ''Une raison d'espérer''.

*Programme ''Un chez soi d'abord''; ''la santé des personnes sans chez soi'' plaidoyer et propositions 2009; Vincent Girard, Pascale Estecahandy, Pierre Chauvin.

 

 

Fait à Toulouse, le 2 décembre 2010

Les membres de l’atelier


 

Liste des membres du Conseil d’Administration

de l’association « Goutte de Vies – CMR 31 »

 

 

Les administrateurs ont été élus lors de l’assemblée générale ordinaire du mercredi 9 juin 2010.

Les membres du bureau ont été élus à l’unanimité des votants lors du Conseil d’Administration du 24 juin 2010.

Le conseil d’administration est composé de 2 personnes morales (Secours Catholique et l’hôpital Joseph Ducuing) et de 11 personnes physiques. Il pourra être renouvelé par tiers lors de l’assemblée générale du 22 juin 2011.

 

 

Geneviève Genève

Françoise Cautain (représentant le Secours Catholique)

Nadine Devaux

Valérie Auguenois

Audrey Arquier (secrétaire général – membre du bureau)

Anne Radigalès (trésorière – membre du bureau)

Marie Mouly

Thierry Marmet (représentant l’hôpital Joseph Ducuing)

Bernard Soulé

Nicolas Velut

Jean-Louis Galaup

Pierre Cabanes (secrétaire général – membre du bureau)

Yves Cévènes (secrétaire général – membre du bureau)

 

 

Document réalisé à l’attention des soignants à partir des données assemblées sur l’atelier 1 (2009/2010)

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