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Le blog du G. P. S.

Le blog du G. P. S.

Depuis décembre 2008 à Toulouse, le GPS (Groupement Pour la défense du travail Social) se bat contre les atteintes portées aux personnes accompagnées du secteur social. Pour ce faire de multiples actions ont été menées en faveur du droit de ces personnes.


"SDF, des travailleurs sociaux innovent":

Publié par Le blog du G. P. S. sur 27 Février 2012, 07:00am

Catégories : #La Maison Goudouli

Reportage d' Anne Dhoquois, publié le 6 février 2012 sur Regards.fr:
 

"À Toulouse, des travailleurs sociaux affolés par l’augmentation du nombre de morts parmi les SDF ont décidé d’ouvrir un squat. Un lieu illégal mais plus adapté aux besoins des grands précaires que les centres d’hébergement traditionnels. Reportage.

Goudouli, c’est le nom d’un poète occitan et d’une rue d’un quartier cossu de Toulouse. En quelques mois, c’est aussi devenu le nom d’un lieu, squatté par des travailleurs sociaux confrontés à une situation d’urgence : mettre à l’abri les grands précaires, de plus en plus nombreux à mourir dans la rue. Selon Annabelle Quillet, conseillère en économie sociale et familiale et membre du Groupement pour la défense du travail social (GPS) qui réunit depuis 2008 des travailleurs sociaux et sanitaires, un chiffre l’atteste : « En un an, on a dénombré vingt-deux décès à Toulouse contre sept ou huit les années précédentes. » La raison à cela ? Des demandes en hausse et un budget pour l’urgence sociale en baisse. « La politique du gouvernement privilégie le logement adapté à des publics déjà autonomes. La stabilisation c’est bien pour ceux qui en bénéficient, mais ça exclut les plus fragiles qui ne parviennent plus à avoir de places via le 115 », résume Bruno Garcia, coordinateur de la veille sociale, le 115 local. De fait, à Toulouse, le 115 ne satisfait pas à 163 demandes d’hébergement par jour, un chiffre qui a doublé en un an. Et pour avoir gain de cause, rappeler et rappeler encore sans se décourager est une règle de base à laquelle les grands précaires ne se plient pas. « Un grand précaire est une personne qui cumule les problèmes et les pathologies. Du coup, ce sont des gens jugés peu désirables dans la plupart des foyers car souvent alcooliques, psychotiques… », explique Pierre Cabanes, infirmier et membre de l’Équipe mobile sociale et de santé. Pour autant, deux lieux situés au centre de Toulouse les accueillaient de temps en temps… jusqu’à leur fermeture en décembre 2010 et leur remplacement par un nouveau centre d’accueil en périphérie et donc inaccessible pour la population concernée. « On veut foutre la misère en dehors de la ville », constate Bruno Garcia. Sauf que le constat va devenir colère, et la colère générer des actions militantes en cascade. Le GPS monte alors en puissance. Une grève d’abord, sans résultat. Puis l’occupation de la cathédrale Saint Étienne à Toulouse. Rien n’y fait. Les travailleurs sociaux et les quelques SDF qui les accompagnent sont expulsés manu militari. Mais l’action alerte le collectif inter-squat, le réseau des squatteurs de Toulouse, qui propose son aide : trouver un lieu vide et l’occuper. « La situation nous pousse à la radicalisation, commente Bruno Garcia. Nous avons basculé dans l’illégalité, c’est dire le malaise du secteur.  »

Claude, Serge et les autres

Ledit lieu est vite repéré. Il s’agit d’anciens locaux de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) situés rue Goudouli. L’immeuble spacieux, avec tout le confort, est investi le 26 avril 2011 par le GPS pour « mettre à l’abri des personnes en danger car très abîmées par des années de rue », précise Pierre Cabanes. Elles sont dix-sept aujourd’hui à y vivre, des hommes exclusivement, connus depuis longtemps des services sociaux, âgés de 30 à 70 ans.

Parmi elles, il y a Claude, 58 ans, belle gueule cassée par des années de rue et une forte consommation d’alcool. Dans sa chambre, qu’il occupe seul, un livre traîne sur son lit. Il dit avoir dévoré la totalité des bouquins de la petite bibliothèque de Goudouli. Claude se définit comme « un fils de bourgeois et un intellectuel de droite » qui a choisi la rue pour la liberté et par refus du système. Mais le système a du bon et la rue ses inconvénients de plus en plus durs à vivre, surtout l’hiver. Alors, à Goudouli, Claude se pose, participe à la vie du lieu et apprécie la convivialité entre les résidents.

Au salon, assis sur l’un des grands fauteuils donnés par Emmaüs, il y a aussi Serge, 51 ans. À la rue à la suite d’un conflit familial, victime d’un accident de voiture, devenu épileptique, Serge ne supportait plus la vie en foyer, son agitation, et surtout l’impossibilité d’y rester la journée. Ici, il est au calme et c’est lui qui décide s’il sort ou pas. Et puis, pour lui l’endroit est loin d’être anodin. C’est là, dans ses locaux, que ses parents se sont rencontrés, tous deux travaillant pour l’AFPA au temps où elle occupait les lieux. Ça le fait bien rire, Serge, ce coup du sort. Il s’en va même écrire à ses parents pour leur raconter la bonne blague. Des parents avec qui il n’a plus de contacts depuis quelque temps. Son regret : ne pas pouvoir recevoir ses enfants. Il dit en avoir quatre – « des éléments de biographie impossible à vérifier », précise Pierre Cabanes. Il en voit certains, pas d’autres. Et dans sa vie rêvée, il espère bien avoir un logement à lui pour pouvoir les accueillir un jour.

Et puis, il y a Monsieur Christian, l’un des plus âgés des résidents. Comme beaucoup de personnes venant de la rue, il a des problèmes pour se repérer dans le temps et dans l’espace. Cela ne l’empêche pas de partir des journées entières sans pouvoir rentrer. À la nuit tombée, commence alors un jeu de pistes pour le retrouver dans Toulouse, ce que l’équipe du GPS s’attache à faire pour ne pas qu’il dorme dehors. Ce soir-là, soulagement, Monsieur Christian a été localisé. Mais, dès le lendemain, il repartira errer dans la ville : l’appel de la rue est un élément à prendre en compte dans la gestion du lieu.

Des règles de vie adaptées

De fait, si la plupart des résidents restent à Goudouli, c’est que les règles de vie sont en phase avec le public concerné : lieu à taille humaine, ouvert 24 heures/24, aucune limitation de durée, allers retours avec la rue possibles, consommation d’alcool et état d’ébriété tolérés ainsi que la présence d’animaux. Rien à voir avec la plupart des lieux d’hébergement d’urgence, souvent synonymes de promiscuité, de vols et de conflits avec les partenaires de galère. Annabelle Quillet l’atteste : « Goudouli, ce n’est pas un hébergement d’urgence mais un logement adapté. On a créé un site idéal, celui que l’on réclame depuis dix ans. » « C’est le lieu le plus confortable pour les SDF de Toulouse », s’exclame à son tour Pierre Cabanes. Et il pourrait bien faire des petits. D’abord parce que la préfecture, qui a attaqué en référé pour occupation illégale, a perdu devant le tribunal administratif. Le genre de jugement qui pourrait faire jurisprudence. Ensuite parce que s’est mis en place un groupe de travail pour modéliser ce type d’établissement et monter un projet définitif  ; leurs conclusions seront rendues dans deux ans. Une victoire inespérée pour le GPS qui a, du coup, créé une association – La Maison Goudouli – pour mieux gérer l’endroit durant la phase intermédiaire. Depuis décembre, l’État et la fondation Abbé Pierre les subventionnent permettant l’embauche de travailleurs sociaux et d’animateurs, dont certains résident à Goudouli sept jours sur sept. La mairie de Toulouse fournit la nourriture pour les deux repas journaliers et une convention d’occupation a été signée avec la préfecture. Mais cette officialisation ne modifie en rien « l’esprit de la maison » ; les bénévoles du GPS, qui pendant plusieurs mois se sont relayés pour s’occuper des résidents et qui continuent à être très actifs dans l’animation du lieu, y veillent. De fait, Serge, Claude, Christian et les autres commencent à se sentir chez eux dans ces locaux un peu froids mais que tout un chacun s’attache à rendre conviviaux grâce à des repas en commun, préparés par Bernard, un résident, ex-cuistot, et des activités culturelles. Par ailleurs, la présence continue sur place des bénéficiaires permet le suivi sanitaire – la plupart doivent prendre des médicaments pour des problèmes de trouble mental et/ou physique –, l’ouverture de droits et, parfois, une baisse de la consommation d’alcool.

De quoi redonner sens à l’autocollant de l’AFPA figurant toujours sur la boîte aux lettres du local, sur lequel on peut lire : « Votre avenir nous engage. »"

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